Physiologie  et  entraînement : le  marathon

Extraits tirés du livre de Véronique Billat

2° Cas du marathon

 

-* Intervention des lipides

 

L'énergie nécessaire pour resynthétiser l'ATP au cours d'un exercice long (2h10 min) et assez intense (85% de VO2max ), tel le marathon, est obtenue à partir de l'oxydation des lipides et des glucides (et du glycogène, forme de stockage des glucides chez l'animal). Il importe de maintenir constante la glycémie, (taux de glu­cose sanguin = 1 g/I) sous peine d'avoir des malaises et des vertiges, à l'instar de certains marathoniens en fin d'épreuve. Lors de la BêtaoxydationV ((3 oxydation), les lipides doi­vent être transformés en glycérol et en acides gras libres pour être ensuite transformés en acétylcoenzyme A avant d'être incorporés dans le cycle de Krebs.

Mais les réserves de lipide contenu dans les cel­lules adipeuses doivent être transportées dans le sang pour pouvoir rejoindre les cellules musculaires. Les lipides étant non solubles dans l'eau (et donc dans le sang), il faut alors un transporteur qui est une protéine (l'albumine).

 

C'est cette combinaison chimique entre molécule de pro­téine et acide gras qui restreint le débit d'utilisa­tion des lipides. En effet, le complexe albumine et molécule de lipide est dissocié lors du passage dans les muscles actifs en raison de la très faible concentration intramusculaire de lipides due à leur continuelle oxydation. L'entraînement sur longue distance permet d'augmenter cette concentration. Ce mécanisme de transport des lipides par l'albumine est très efficace puisqu'une grande quantité de lipide peut être rapidement transportée depuis les cellules adi­peuses vers les cellules musculaires. Cependant, le prix à payer est une limitation du niveau d'oxydation des lipides dans le muscle à cause du bas niveau de diffusion des lipides depuis l'albumine jusque dans le muscle. Ceci implique la limitation de la vitesse de resynthèse de l'ATP, égale à la moitié seulement de celle possible à VO2 max . Des séances longues de 30 km sont donc conseillées aux marathoniens pour améliorer la mobilisation des lipides du tissu adipeux vers les cellules musculaires. Des entraînements effectués le matin à jeun (avec une barre de céréales dans la poche) favoriseront cette adaptation à l'utilisation préférentielle des lipides.

En effet, l'énergie est stockée sous forme de graisses dans les cellules adipeuses ou sous forme d'un sucre complexe (composé de plusieurs molécules de glucose) : «le glycogène» qui se trouve dans les muscles et le foie.

 

-* Intervention du glycogène

 

Le glycogène est le polysaccharide contenu dans le tissu animal. Rapellons que les polysac­charides sont des sucres à assimilation lente et permettent de faire face à une baisse de la concentration du glucose sanguin (hypoglycémie). Plus l'index glycémique (tableau 4) d'un aliment riche en glucide est bas, plus il permettra de stocker le glucose sous forme de glycogène.

Le glycogène est synthétisé à l'intérieur des cel­lules du muscle (300 gr de glycogène) et du foie (100 gr) en liant des milliers de molécules de glucose entre elles. Il permet de stocker le glu­cose qui va pouvoir être disponible à l'exercice. En effet, le muscle brise le glycogène en glucose dans le processus appelé la glycogénolyse (lyse signifiant «casser») dont la fonction est de synthétiser l'ATP. La glycogénolyse se déroule également dans le foie, le glucose étant libéré dans le sang et transporté aux différents tissus (ensemble de cellules ayant la même structure et la même spécialité) de l'organisme. Cependant, au contraire du cheval, l'homme ne stocke qu'une faible quantité de glycogène qui lui permet seulement 1 à 2 heures d'exercice (selon l'intensité) pour un sportif moyen ayant suivi un régime alimentaire varié, non enrichi en sucres (polysaccharides surtout). Pour courir le marathon, les sportifs d'une part suivent un régime hyperglucidique et d'autre part s'entraînent sur de longues distances, parfois le matin à jeun, pour augmenter l'utilisation des graisses à des vitesses de course inférieures ou égales à celle de la compétition.

 

La vitesse de compétition sur marathon est donc inférieure à la «vitesse au seuil lactique»  pour que le marathonien puisse courir plus de 2 heures grâce à l'utilisa­tion des lipides, en plus de son stock de glyco­gène (qui serait insuffisant pour une telle durée d'exercice). En effet, au-dessus de la vitesse au seuil lactique, seuls les sucres peuvent fournir l'énergie nécessaire à la resynthèse d'ATP permettant la contraction musculaire. Contrairement à une idée reçue, pour perdre de la masse grasse c'est-à-dire pour «maigrir», il est impéra­tif de courir, nager, pédaler à des vitesses lentes permettant de bavarder avec son compagnon de route en dessous du seuil lactique, et de «brûler» ainsi ses graisses en utilisant les lipides. Approximativement, on peut considérer que l'hyperventilation est le signe de l'atteinte du seuil lactique. En revanche, pour battre le record de l'heure en course ou en cyclisme, il est indispensable d'utiliser des sucres, au rendement énergétique meilleur que celui des graisses. En effet, pour une même quantité de travail (c'est-à-dire de joules disponibles), les lipides nécessitent une consommation d'oxygène supérieure par unité de temps, expliquant la moin­dre puissance (vitesse) possible. De plus, les sucres sont indispensables pour métaboliser les graisses qui ne peuvent à elles seules resynthé­tiser l'ATP. C'est pour cette raison que tout entraînement doit être compatible avec une res­tauration des stocks de sucres sous forme de glycogène dans le foie et les muscles en activité.

 

Ainsi, au terme d'une compétition ou d'un entraînement ayant épuisé les réserves de glycogène, il est impératif de boire, puis d'ingérer des aliments riches en sucres simples et com­plexes (jus de fruits, pâtes, riz, ...). D'autre part, les séances effectuées à des vitesses supérieures ou égales au seuil lactique devront être espacées d'au moins 48 heures pour permettre la récupération des stocks initiaux de glycogène.

 

Sur marathon et pendant les épreuves de plus de 90 minutes, les graisses permettent de com­pléter l'énergie libérée par les sucres. Les graisses, ou molécules de lipide, contiennent les mêmes atomes que les sucres (carbone, hydro­gène, oxygène). La seule différence est le rap­port entre les atomes de carbone et d'oxygène (C6H7206 pour le glucose et C16H3202 pour l'acide palmitique). Les lipides sont utilisés au repos ainsi que dans les efforts longs et peu intenses (en dessous du seuil lactique). De plus, un délai de 20 minutes est nécessaire à leur sollicitation. Ainsi, même si en termes de dépense énergétique, courir 5 km en continu équivaut, à vitesse égale, à une course fractionnée de 5 fois 1000 m, la répartition de la couverture énergétique entre les lipides et les sucres sera diffé­rente. En effet, la course continue favorisera l'utilisation des graisses alors que la course frac­tionnée sollicitera, à vitesse égale, davantage les glucides.

Un coureur confirmé qui accomplira un 10 km en 30 minutes (à 20 km/h) puisera davantage dans les sucres (glucose sanguin + glycogène hépatique et musculaire) que le coureur «du dimanche» qui terminera cette course en 1 heure. En effet, le coureur de bon niveau utili­sera (selon Péronnet et al., 1991) 9 g de glucose sanguin circulant +137 g de glycogène muscu­laire (sur les 300 g de réserve) + 18 g de glucose hépatique (sur les 100 g de réserve). Le coureur de faible niveau utilisera : 12 g de glucose cir­culant + 121 g de glycogène musculaire + 9,7 g de glycogène hépatique. La moins grande utili­sation de glycogène par le coureur lent sera compensée par une mobilisation deux fois plus élevée des acides gras (10,3 g contre 5,5 g pour le coureur de bon niveau).

 

Cette déplétion accrue des fibres lentes entre 43% et 90% de vV02max indique une mise en tension progressive des fibres musculaires de type I. L'alternance des intensités d'entraî­nement permet donc la mise en jeu des diffé­rentes fibres musculaires, dans des proportions différentes conditionnant une sollicitation spécifique des réserves glycogéniques. II importe de prendre en compte cette réalité pour élabo­rer des séances et des cycles d'entraînement sportif. De même, une alimentation enrichie en glucide sera indispensable pour restaurer les réserves de glycogène intramusculaire et hépa­tique après un entraînement réalisé entre 40% et 100% de vVO2max .

 

Les plus gros consommateurs de glucide sont les triathlètes masculins et les coureurs de fond (60% de la ration énergétique sont couverts par les glucides). Ces coureurs de fond avaient un apport calorique quotidien de 3500 kcal dont 46% de glucide (429 gr), 42% de lipide et 12% de protéine.

 

Pendant un régime enrichi en glucide, la part des glucides s'élevait à 64% (597 g) avec une réduction de celle des lipides (24%) et le maintien de celle des protéines(12%). L'augmentation de seulement 10 minutes du temps d'exercice pouvait expliquer le fait que la ration habituelle comportait déjà 47% de glucide; cependant, 10 minutes représentaient tout de même 9% d'amélioration de l'endurance, ce qui peut s'avérer déterminant en compétition. En effet, les 5 derniers kilomètres d'une course de 30 km ont été courus plus rapidement après un régime enrichi en glucide, entraînant une amélioration significative de la performance globale de 4 minutes (127 contre 131 minutes) (Williams et al., 1992). Cela peut représenter plusieurs dizaines de places au classement final.

 

Pour les très longues épreuves (dont la durée est supérieure à 3 heures), après les glucides et les lipides, les protéines constituent la dernière catégorie des nutriments de l'organisme, certai­nement la moins impliquée dans la fourniture énergétique mais primordiale pour la structura­tion des cellules. La quantité de glucide idéale, pour restaurer les réserves de glycogène, reste encore à déterminer selon les types d'exercice et le niveau d'entraînement des sujets.

 

De plus, les délais d'efficacité de l'ingestion de glucose sont très controversés, puisque Coyle et al., 1985 ont montré que, pour des niveaux de glycogène intramusculaire très bas, l'ingestion de boisson glucosée, 15 minutes avant le départ, s'avérait efficace avant un exercice intermittent à VO2max alors que Snyder et al., (1993) concluaient, à l'opposé, sur l'inefficacité d'une telle pratique. Par précaution, le sportif n'attendra pas les dernières minutes précédant la compétition pour s'alimenter en glucose. Guezennec(1995), dans une revue de question sur les sucres complexes et l'exercice, donne quelques recommandations pratiques en com­mençant par l'affirmation que l'ingestion de glucides augmentait la performance pour des exercices de longue durée. II rappelle que, pour obtenir 50 g de glucides, il est nécessaire de  préparer 60 g de riz, 65 g de pâtes ou 75 g d lentilles, ces aliments une fois cuits pèseront respectivement 210 g, 195 g et 230 g soit deux  bonnes assiettes. Ces sucres complexes devront  représenter au moins la moitié de la ration glucidique totale. Ces sucres au faible index glycémique (surtout lorsqu'ils sont additionnés d'u peu de beurre ou de fromage), permettent de ralentir l'oxydation des glucides en favorisant celle des acides gras libres grâce à un faible  taux sanguin d'insuline. Le taux de glycogène  intramusculaire se trouve ainsi épargné.