Courir  à  jeun


Nous avons vu dans mon précédent article ( courir et maigrir), le type et la durée d’une activité physique a une influence importante sur la mobilisation des réserves énergétiques de l’organisme. Pratiquer l’activité physique à jeun augmente l’utilisation des graisses.

 

En 1986, un chercheur du Kansas, K. WILLCUTTS, s’est intéressé à ce mécanisme. Il a proposé à des volontaires entraînés d’effectuer, à une semaine d’intervalle, deux footings dans des conditions précises :

- dans le 1er cas, ils effectuaient un footing d’ une heure à 65-70% de VMA, au saut du lit, à jeun.

- dans le second cas, ils faisaient la même séance mais 2 heures après avoir pris un petit-déjeuner.

Nous savons que « le moteur » du coureur fonctionne essentiellement avec 2 types de carburant :les sucres (glucides) et les graisses (lipides). Grâce au recueil des gaz expirés, le chercheur a pu établir les contributions respectives des sucres et des graisses à la fourniture d’énergie.

 

Qu’a t’il constaté ?

Deux heures après le petit-déjeuner, les graisses ne délivrent que le tiers de l’énergie consommée. En effet, après le repas, la digestion des aliments glucidiques s’accompagne d’une élévation de la glycémie. Ainsi, les muscles ayant plus facilement accès aux glucides vont les utiliser de préférence

aux lipides. Par contre, à jeun, la glycémie est basse et ce sont les graisses qui seront sollicitées en priorité. D’après H. WILLCUTTS elles couvrent 50% de la dépense énergétique.

 

A raison d’une à deux séances hebdomadaires d’une durée de 45’ à 1 heure (maximum) à 65-70% de VMA, il est possible d’abaisser plus rapidement l ‘adiposité d’un coureur présentant un surpoids.

Les quelques rares études scientifiques corroborent le fait que l'augmentation de la consommation des lipides est bien réelle et même multipliée par 5 !! 

Cependant une part importante des acides gras essentiels et des protéines, chers à notre santé, font les frais de cette débauche énergétique matinale dépourvue de ravitaillement, avec pour conséquence une fatigue plus importante post-effort.

Rappel physiologique

 

Contrairement au glycogène musculaire qui se dégrade majoritairement lors d'effort physiques intense et supérieur à 80% de la VO2max ; le glycogène hépatique, donc celui issu du foie, gère quant à lui la bonne régulation de la glycémie (taux de sucre sanguin) de l’organisme et qui nous permet d’assurer toutes sortes de tâches physiques et intellectuelles. 

Cette glycémie qui nourrit les cellules nerveuses et les globules rouges, via la circulation sanguine, fait fonctionner voire optimise de nombreux organes dont le cerveau. Ce dernier consomme à lui seul, de jour comme de nuit, plus de 4g de glucose  à l'heure (l’équivalent d’1 morceau de sucre blanc par exemple).  

Suite à une nuit de jeûne, notre glycogène hépatique, qui ne bénéficie pas à l'origine de réserves extensibles (environ 60g) et qui est sans cesse ponctionné par nos organes vitaux et notre système de veille (cerveau et métabolisme de base...), aura subit une baisse sensible, avant même que vous n'ayez chaussé vos baskets.

Il faut donc respecter certaines règles afin de limiter des effets secondaires comme une hypoglycémie qui pourrait stopper votre footing.

 

Vos séances ?

 

Dans un objectif de perte de gras, vous devrez respecter scrupuleusement, une allure d’endurance fondamentale inférieur à 80% de vos pulsations maximales. Un minimum de 20mn et un maximum de 1h est conseillé à tous ceux qui souhaite faire du sport à jeun, sachant qu'à partir de 40mn d'effort aérobie l’utilisation des lipides est multipliée par 5. A la différence de courir avec un petit déjeuner, vous attaquez de suite dans les graisses donc votre footing devra être moins long.

Nous vous recommandons d'emporter avec vous une barre de céréales, utiles en cas de panne sèche ou un peu d’argent afin de pouvoir vous arrêter dans une boulangerie.

 

 Vous avez les acides gras essentiels qui font majoritairement les frais d’une telle pratique, mais aussi des protéines qui en l’absence de tout ravitaillement « en vol » lors de séances longues. Ses dernières servent de carburant d’appoint médiocre car les protéines génèrent un grand nombres de déchets.

Au delà d'1h d’effort et en l’absence de tout ravitaillement glucidique, le corps produit des corps cétoniques. Ses corps cétoniques sont des déchets issus de la dégradation  des acides aminés et du lactate et qui acidifient le milieu intérieur. Prolonger cet état appelé cétose, s'avère néfaste et dangereux pour la santé (diabète et problèmes rénaux, fatigue accrue, récupération médiocre), la récupération musculaire est donc biaisé. 

La course à jeun n’est pas une activité physique dénuée de risques.

 

Pour les coureurs confirmés

 

Le marathonien belge Vincent ROUSSEAU (2h07’51’’ en 1994) a été l’ un des premiers athlètes à expérimenter l’entraînement à jeun. Il pensait qu’en forçant son organisme à travailler avec de faibles réserves glucidiques, il l’habituerait à consommer ses graisses de réserve et ainsi se trouverait moins dépourvu lorsque cette phase surviendrait au cours d’un marathon ( en un mot retarder l’épuisement du stock de glycogène. Cet athlète de haut niveau

avait une VMA de 23,5 km .Ses sorties à jeun étaient courues entre 15 et 16 km/h soit à 64-68% de VMA .il effectuait donc son marathon à +-85% de sa VMA .

En fait, l’idée que favoriser la mobilisation des graisses permet de retarder l’épuisement du glycogène ne se fonde sur aucune réalité physiologique. Actuellement, le consensus qui se dégage suggère même le contraire : c’est l’aptitude à utiliser majoritairement les glucides qui conditionnerait la performance. Pour favoriser cette démarche, le marathonien doit diminuer la charge d’entraînement à l’approche de l’objectif (2 semaines incompressibles de relâchement),adopter une stratégie diététique appropriée (régime hyper-glucidique dès J-3 et apports glucidiques réguliers au cours de l’effort) et surtout respecter son allure spécifique. En effet, la façon la plus sûre de réaliser une contre-performance consiste à courir les premiers kms à un rythme supérieur à celle-ci donc de piocher avidement dans les réserves de glycogène.

Après avoir testé en profondeur l'entraînement à jeun, Vincent Rousseau lui même à été conduit de réduire la fréquence et la durée de ses séances à jeun pour s'épargner de la fatigue.


MES CONSEILS

 

1)Faites votre footing  sur des réserves en glycogène hépatiques déjà entamées, mais avec un glycogène musculaire épargné et peut être même revigoré par un bon plat de pâtes consommé la veille au soir, vous assurera assez d’énergie pour entamer votre séance de sport le ventre vide. 

Votre déficit énergétique et la fameuse hypoglycémie,  peut apparaître plus ou moins rapidement selon plusieurs facteurs :

- la qualité des stocks de glycogène hépatique et musculaire établi les jours précédents.

-L'expérience dans la domaine du sport en général et du sport à jeun en particulier.

-L'habitude et la rapidité de l'organisme à convertir ses sources de carburant

2) Dès votre réveil, buvez un grand verre d’eau

 

3) Prenez lors de votre sortie, un gel énergétique ou une barre de céréales ou une boisson énergisante.

 

4) Ne sautez pas le petit déjeuner à votre retour, bien au contraire, il participera au rééquilibrage de votre ration alimentaire quotidienne et compensera les pertes occasionné .Les dépenses caloriques occasionnées restent bénéfiques malgré un repas post effort, d’autant plus qu’il vous évitera les coups de pompe ainsi que d’éventuelles carences que cette méthode peut engendrer sur le long terme.

La mobilisation des corps gras (acides gras essentiel) et des protéines musculaire (acides aminés) vous obligent à certaines précautions alimentaires post effort. 

Consommez dans les repas suivant des yaourts, des protéines animales (foie, boudin volaille, poisson gras, œufs, jambon) des céréales complètes des fruits frais (agrumes) et des huiles végétales riche en acides gras essentiels (olive, colza, noix) et des fruits oléagineux.

5) Attention pour ceux dont les journées sont  chargées ou que  la vie familiale obligent  à s’entraîner au petit matin, le ventre creux.  Si vous faites toutes vos séances (VMA, allure spécifique, sortie longue …) au saut du lit, vous risquez à long terme quelques ennuis . En effet, le problème crucial est celui de la température musculaire et des rythmes biologiques qui indiquent que le moment optimalpour la réalisation des séances qui occasionnent des contraintes mécaniques, métaboliques et mentales, est la fin d’après-midi. Cette systématisation des séances à jeun risque d’engendrer chez le sujet un état de méforme persistante. Quand le coureur aura trop puisé dans ses réserves glucidiques et lipidiques, il entamera son capital protidique. 

Le coureur qui choisit l’entraînement à jeun devra adopter une précaution alimentaire supplémentaire. Pour compenser le catabolisme protéique, il devra augmenter l’apport protidique 

6) Ne dépassez pas les deux fois par semaine

 

En Conclusion, courir à jeun nécessite une bonne connaissance de soi, c’est une séance qu’il faut considérer comme un entraînement à part entière dans son planning hebdomadaire, limité en durée  et en quantité . Un ravitaillement hydrique sucré et une stratégie diététique de rigueur vous ferons apprécier cette activité physique si particulière.  Perdre 1 kilo de graisse revient à dépenser 9000 calories . Il faut donc être patient lorsque l’on désire perdre du gras. N’oubliez pas que le sport, même à jeun n’est pas un palliatif à un régime, un effort doit être fait sur votre alimentation au quotidien